Histoire de l'abbaye

Fondée au IXe siècle, l’abbaye bénédictine de Charlieu rattachée ensuite à la grande abbaye de Cluny déroule 1000 ans d’histoire. C’est un ensemble architectural unique tant pour sa partie romane aux sculptures d’une grande finesse que pour sa partie gothique du XVe siècle.

Un site bénédictin clunisien

L’ordre religieux

Un ordre religieux est un ensemble de personnes liées par des vœux solennels sous l’observance d’une règle. Dans le christianisme romain et occidental, les ordres religieux représentent une tradition forte qui remonte qui se développe en Orient dès le IVe siècle sous la forme du monachisme érémitique et cénobitique. En occident, le monachisme de type bénédictin apparaît dès le VIe siècle.

Le monachisme – qui vient du terme grec monakos signifiant « un », « seul » – est un mode de vie religieuse permettant de vivre pleinement sa foi à la recherche de Dieu. Les personnes qui choisissent cette voie sont appelées « moines » (pour les hommes) ou « moniales » (pour les femmes). Rassemblés en ordres religieux, les moines prononcent des vœux solennels et vivent en observant une règle religieuse commune (règle de Saint-Benoît, règle de saint Augustin, etc.). La vie des moines est tournée vers la prière, à la différence des prêtres qui dispensent les dons de Dieu sous la forme de la Parole et des sacrements. Ce mode de vie implique de vivre à l’écart de la société, dans des bâtiments et des espaces clôturés : les monastères.

L’ordre bénédictin

L’ordre bénédictin trouve son origine dans la règle éponyme rédigée par Saint-Benoît de Nursie (vers 480-547). Au VIe siècle, il rédige une série de consignes rassemblées en 73 chapitres sur l’organisation de la vie quotidienne et spirituelle au sein du monastère qu’il fonde au mont Cassin (Italie).  

En s’inspirant d’autres règles monastiques, Saint-Benoît souhaite mettre en place une règle de vie religieuse fondée sur la prière et le travail manuel. Les journées des moines sont donc rythmées par huit offices religieux, la lecture et l’étude des textes saints et des séances de travaux manuels. Pour s’engager pleinement dans l’ordre religieux, les moines doivent prononcer plusieurs vœux : vœux d’obéissance à la règle et à l’abbé (ou au prieur), vœux de stabilité monastique et conversion des mœurs (pauvreté, chasteté).

Considérée comme facile à appliquer, la règle bénédictine est adoptée par de nombreux monastères. Elle connaît un nouvel essor aux VIIIe et IXe siècles par le biais d’un moine, Benoît d’Aniane (vers 750-821), qui apporte des compléments à la règle de Saint-Benoît. Ce moine est placé à la tête des monastères de l’empire carolingien par l’empereur Louis le Pieux dont il est le proche conseiller. En 817, Louis le Pieux réunit les abbés de son empire au cours d’un concile à Aix-la-Chapelle afin de réglementer et d’unifier les différents modes de vie monastique. Lors de ce concile, il impose aux monastères de son empire de suivre la règle de Saint-Benoît de Nursie. Dès lors, la règle bénédictine est adoptée par l’ensemble des abbayes et prieurés d’une grande partie de l’Occident médiéval. Parmi eux, l’abbaye de Cluny, fondée en 910, connaît un développement et un rayonnement sans précédent. 

Fondée au IXème siècle, l’abbaye de Charlieu est rattachée à l’ordre de Cluny en 932.

Plus de 1100 ans d'histoire

Vers 875 : Fondation de l’abbaye par Robert, évêque de Valence

Vers 930 : L’abbaye est rattachée à celle de Cluny

Vers 1040 : Réduction de l’abbaye en prieuré

Milieu du XIIe siècle : Edification du narthex contre la façade occidentale de l’église

Fin XVe – Début XVIe siècle : Réaménagement important du monastère et construction de l’hôtel du prieur

1787-1788 : Fermeture des abbayes de l’Ancienne Observance de l’Ordre de Cluny dont Charlieu

Vers 1800 : Destruction de l’église prieurale Saint Fortuné

1844 : Destruction du réfectoire bénédictin et de la maison de la chambrerie

A partir de 1862 : les vestiges de l’abbaye sont classés au titre des Monuments Historiques

A partir de 1908 : la Société des Amis des Arts de Charlieu œuvre pour le sauvetage et la mise en valeur du site.

1926 : Première campagne de fouilles archéologiques prolongées à partir de 1938 par les travaux d’Elizabeth Read Sunderland

1999 : Aménagement du Centre des Visiteurs dans l’ancien dortoir des novices et travaux de restauration du cloître

Les origines

La vallée du Sornin, où se situe Charlieu, est occupée dès l’époque préhistorique.

A l’époque gallo-romaine, les routes allant de la Saône à la Loire et celle de Lyon au Val de Loire se croisent sur le site actuel de Charlieu. Le tombeau de Maria Severiola datant du IIe siècle découvert et conservé à l’Abbaye ainsi que différents éléments archéologiques attestent de cette occupation.

 

L’arrivée d’une communauté

Au IXe siècle, des moines bénédictins, venus de Touraine, sous la conduite de l’abbé Gausmar fondent une abbaye vers 870-875. La date exacte de fondation du monastère est inconnue. Le plus ancien document attesté qui mentionne l’abbaye de Charlieu date du 1er juin 876. C’est un diplôme qui en confirme la fondation et les privilèges.

Ils s’installent sur des terres que leur avaient données Robert, évêque de Valence et son frère Edouard. Ils appellent le site Carus Locus (cher lieu).

 

Les trois églises successives

En 879, les bénédictins trouvent un bienfaiteur en la personne de Boson, roi de Bourgogne et de Provence, beau-frère de Charles le Chauve. Ce souverain est reconnu « protecteur de Charlieu ».

A cette époque, les moines édifient la première église de l’abbaye. Cette église est simple : une seule nef couverte d’une charpente et un déambulatoire autour du chœur qui peut laisser penser que les moines avaient des reliques en leur possession à l’arrivée ou qu’ils en ont reçues.

L’abbaye est rattachée à celle de Cluny

En 932, sous l’abbatiat de Saint Odon, l’abbaye de Charlieu est rattachée à celle de Cluny par le Pape Jean VIII. La première église est remaniée. Les moines décident de remplacer la charpente par une voûte en pierre, ce qui oblige à ajouter dans la nef unique des piliers pour soutenir le poids de cette nouvelle voûte.

Réduction de l’abbaye en prieuré

Vers 1040, l’abbaye de Charlieu est réduite en prieuré. A sa tête, ce n’est plus un abbé élu par les moines de la communauté mais un prieur choisi par l’abbé de Cluny.

Sous l’impulsion de Cluny, de grands travaux sont effectués au XIe et XIIe siècles en particulier sous les abbatiats d’Odilon et Hugues de Semur. Ainsi, l’église, devenue trop petite est détruite pour laisser place à une église plus vaste : l’église prieurale Saint Fortuné consacrée en 1094. Au milieu du XIIe siècle, un narthex est ajouté contre la façade d’entrée de l’église.

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Les fortifications de l’abbaye et de la ville

Dès le Xe siècle, un bourg se forme à l’est de l’abbaye mentionné pour la première fois en 994. Il se développe rapidement aux cours des siècles suivants. Placé au carrefour de deux routes importantes (route de Paris à Lyon et de la Saône à la Loire), il est surtout peuplé d’artisans attirés par la présence des moines et la sécurité qu’ils offrent.

En 1180, au début de son règne, Philippe-Auguste, conscient de l’intérêt présenté par Charlieu au point de vue stratégique, place la ville sous sa protection. De nouvelles fortifications sont édifiées autour du prieuré et de la ville. Charlieu devient alors une place forte réputée imprenable.

A partir du XIIIe siècle, la ville est entourée de remparts dont les fossés se trouvaient à l’emplacement des boulevards actuels.

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Les relations avec la ville et ses habitants

Les liens entre le monastère et la ville sont très forts puisque les Bénédictins en sont les seigneurs et perçoivent à ce titre aussi la dîme, impôt correspondant à un dixième des récoltes.

Une charte de franchise est accordée aux habitants par le prieur et le roi début 1207. Mais un violent conflit éclate vers 1250, opposant les Bénédictins aux bourgeois qui en appellent à la justice royale. Ils jurent de s’entraider au sein d’une « Commune » autonome. Emblème de la révolte, le sceau de la Commune est finalement brisé sur ordre du roi en avril 1260.

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Office de tourisme de Charlieu, installé dans une maison du XIIIe siècle au cœur du centre historique de la ville. 
© Département de la Loire – Vincent Poillet

Remaniements dans la clôture aux XVe et XVIe siècles

A la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, d’importants travaux sont entrepris. La partie claustrale est remaniée : le cloître, la salle du chapitre, la chapelle et l’hôtel du prieur.

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Façade de l’ancien dortoir des moines profès – les baies gothiques ont succédé aux baies romanes ABBAYE CHARLIEU-5 © Département de la Loire - Guillaume Atger

La commende

Après sa victoire à Marignan, le roi François Ier signe avec le pape Léon X le concordat de Bologne en 1516. Ce texte régit les relations entre l’église de France et la papauté jusqu’à la Révolution française. Il permet au roi de France et à ses successeurs, de nommer lui-même les titulaires des sièges ecclésiastiques de son royaume (archevêque, évêque, abbé, prieur). Le prieur commendataire s’occupe de la gestion administrative et financière du prieuré et perçoit directement une partie de ses revenus. Il détient également des droits de basse, moyenne et haute justice. Il n’est pas astreint à résidence au monastère.

A Charlieu, la commende est établie vers 1550 avec Pierre Saulnier premier prieur commendataire. Les prieurs commendataires se succèdent jusqu’à la mort de Bertrand de Senaux en 1709. C’est à cette date que prend fin la période de la commende à Charlieu.

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Logis du prieur Abbaye_Charlie(c)Sharlie_Evans-22 © Sharlie Evans

La Révolution Française

Le monastère de Charlieu est fermé le 2 avril 1790. Les biens du prieuré sont d’abord inventoriés et mis en vente au titre des Biens Nationaux en 1791. Si le narthex est préservé, l’église est transformée en carrière de pierres. Le 9 septembre 1792, les archives du monastère sont brûlées et les derniers moines expulsés.

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Des églises successives de l’abbaye, il ne reste aujourd’hui plus qu’une travée, le porche et la façade - Abbaye_Charlie(c)Sharlie_Evans-39 © Sharlie Evans

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Fondations des trois églises successives de l’abbaye de Charlieu - ABBAYE CHARLIEU-64 HISTOIRE DE L’ABBAYE © Département de la Loire - Guillaume Atger

 

XIXe – XXe siècle

A partir de 1909, la Société des Amis des Arts de Charlieu, association de sauvegarde du patrimoine charliendin fondée en 1908, obtient la jouissance par bail des bâtiments de l’abbaye, alors propriété de l’Etat.

Elle œuvre à faire classer au titre des Monuments Historiques les différents vestiges du monastère et engage des fouilles archéologiques. De 1938 à la fin des années 1950, Elizabeth Read SUNDERLAND, historienne de l'art et archéologue américaine, poursuit les fouilles archéologiques engagées en 1926, dégage les fondations de trois églises successives.

Aujourd’hui, le Département de la Loire est propriétaire du site et a en charge sa gestion et son animation.

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